Les Poquettes volantes

V. - Quand vous créez les "Poquettes volantes" (*), c'est pour faire petit?

B. - Faire petit, mais en nombre. Nous voulions travailler léger et créer une collection de textes ou dessins originaux au format din A4 plié en quatre, facile à glisser dans une enveloppe. Minimum de frais. Mais je me suis pris au jeu [...] et je voulus donner plus d'allure et de poids à ces opuscules. Ainsi eurent-ils le plus souvent trente-deux et quarante-huit pages et furent-ils agrafés sous couvertures aux couleurs chatoyantes, avec titres en anglaise, ce qui leur conférait une élégance un peu surannée.

V. - En quelle année sommes-nous avec les Poquettes ?

B. - En 1965. Les soixantes-deux volumes s'étaleront jusqu'en 1979. Un gros travail sous des apparences aériennes. Ces petits volumes (antithèse-synthèse) étaient tirés à mille exemplaires. Ma femme et moi passions des soirées, des week-ends à rassembler, agrafer, rogner (par cinq et trois côtés) ces "savoureux zakouskis de l'avant-garde" (Paul de Swaef, Le Peuple) qui nous tournaient la tête. Soixante-deux mille brochure !

V. - Tu termineras ministre des plis.

B. - Pour t'éclairer, le romaniste va se faire dialectologue. Dans le patois local, les "poquettes volantes" sont ces petites poches, ces boutons, ces alvéoles(masc.) qui, en cas de varicelle, couvrent le corps. Remplis de liquide (bulles), ils finissent par crever, disparaître, c'est-à-dire s'envoler.

V. - Dans ces "Poquettes volantes", l'image estsouvent présente.

B. - Oui, mots ou images presque en équilibre, tantôt séparés, tantôt confondus. Ecrivains et artistes s'échangent la main et le tablier.

Le Daily-Bul : quarante balais et quelques. Entretien :André Balthazar - Jean-Pierre Verheggen, La Louvière, Le Daily-Bul, 1998.

(*) Expression de médecine régionale qui désigne les papules rosées, qui se transforment rapidement en bulles, à liquide d'abord clair puis purulent, et qui couvrent le corps des enfants atteints de varicelle.